Lost Edens

Je viens de finir Last Word, un court RPG (5-10h) se déroulant dans un début de XXe siècle alternatif où le pouvoir de suggestion du discours est accentué à l’extrême, permettant dans certains cas de commander une ou plusieurs personnes contre leur gré. Un groupe hétéroclite (entre autres une photographe, un juge, un boxeur et une générale) est convié dans un manoir par un professeur excentrique pour leur dévoiler sa dernière invention. Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu et les convives se retrouvent enfermés dans le manoir, essayant tant bien que mal de comprendre pourquoi ils ont été choisis et quelles sont les véritables motivations du professeur.

Tout ça a l’air bien sombre et mystérieux, mais en fait le jeu ne se prend pas du tout au sérieux, avec une ambiance à la Layton (les personnages, dont la plupart ont des noms en forme de jeux de mots idiots, étant obsédés par les joutes verbales au lieu des puzzles) et une écriture très sarcastique.

Le jeu est séparé en phases d’enquête, où on interroge les personnages sur divers sujets pour trouver un moyen de faire progresser l’intrigue, et en phases de combat (les joutes verbales dont j’ai parlé plus haut), qui permettent de rallier les opposants à son avis (ou tout simplement de faire de l’XP en vue de se préparer face aux boss de fin de chapitre). Le système de combat est assez complexe (deux jauges interagissant pour faire progresser un indicateur sur une piste commençant à 0, un score de 12 étant une victoire et -12 une défaite) mais retranscrit plutôt bien le concept de joute verbale, le score augmentant et diminuant au gré des “arguments”/actions du joueur ou de l’adversaire. Au départ on se fait rabrouer sans arrêt parce que les adversaires sont plus puissants, mais l’achat grâce aux XP de compétences, dont certaines sont complètement craquées, permettent à la fin du jeu de rabatttre le caquet de n’importe qui (sauf du chat, le perso le plus puissant du jeu, ces animaux étant particulièrement réfractaires au dialogue et opiniâtres – heureusement que le professeur ne possède pas de teckel).

Ajoutons à cela quelques quêtes annexes (collection de vins, recherche de passages secrets dans le manoir, problèmes variés des personnages) et on obtient un jeu au concept simple mais très efficace, qui prouve encore une fois que RPG Maker n’est pas réservé aux mauvais clones de Dragon Quest et qu’on peut faire des merveilles avec.

Refais-le en mode bourrin et en faisant les trucs différemment, c’est trop bien de voir tous les changements d’une partie à l’autre. ^^’

Je refuse d’y rejouer en tuant tout le monde (si j’avais commencé par là et refait une partie pacifiste derrière, peut-être, mais là c’est plus possible, surtout après le message que j’ai eu en relançant le jeu).

Idem pour moi, c’est assez fort. Mon jeu de 2015 facile. Et pourtant il y avait MGS5.

Et celui de 2016 ça va être The Witness, facile aussi. Si vous aimez les puzzles exploratoires genre Myst/Riven ou Fez, ne vous spoilez rien et jouez-y (Vous-même. En stream ou let’s play ça n’a aucun intérêt). J’avais envie de me rouler par terre en sanglotant hier soir après avoir été frappé par la lumière divine et une fois que ça commence, ça ne finit plus.

Je le trouve meilleur que Braid au niveau du game design. Dans Braid (qui est un de mes jeux favoris), il y avait à mes yeux quelques énigmes trop corsées où le joueur n'était à mon sens pas assez “préparé” à l’exploitation de tel ou tel mécanisme (d’ailleurs c’est mille fois pire dans Fez, ce jeu est beaucoup trop pété d'éléments impossibles à découvrir sans une solution sur les genoux).

Dans The Witness, c’est vraiment mieux foutu, avec beaucoup plus “d'étapes” dans les mécanismes pour amener le joueur à devenir progressivement meilleur dans la résolution des puzzles (qui sont tous du même type, contairement à un Myst). Après, il y a toujours quelques énigmes qui nécessitent de davantage exploiter son environnement (c’est là où j’ai le plus l’impression de retrouver du Myst ^^) et qui requièrent un bon sens de l’observation. Mais rien d’insurmontable, ça fait partie des mécanismes.

En tout cas, j'étais fan de Braid, et je le suis aussi de The Witness. Comme d’habitude, il y a une cohérence dingue entre la mécanique et le propos, ce qui est beaucoup trop rare dans les jeux vidéo aujourd’hui.

d’ailleurs c’est mille fois pire dans Fez, ce jeu est beaucoup trop pété d'éléments impossibles à découvrir sans une solution sur les genoux)

Si c’est vrai dans le principe, j’ai pu finir Fez sans soluce et je n’en ai utilisé une que pour certaines énigmes “cachées” qui nécessitaient des trucs complètement aberrants et hors-jeu (ce qui, je pense, n’a pas sa place dans un puzzle game), et pour décrypter le “langage” du jeu, ce qui au final ne m’a pas apporté grand-chose d’ailleurs (j’aurai pu tenter de le casser par analyse fréquentielle, mais les cryptages par transposition de symboles m’ennuient profondément, c’est le niveau zéro du code secret). Je ne sais pas si l’expérience du joueur moyen est similaire, mais je pense qu’il est possible de finir le jeu assez facilement en slalomant autour des puzzles douloureux, quitte à y revenir plus tard.

Dans Braid, on est obligé de faire le jeu à 100% pour le finir, et ce malgré les énigmes reposant sur des mécaniques jamais présentées au joueur, ce que je trouve être une erreur de design monumentale dans un jeu de ce type. Au final j’ai préféré Fez, qui laisse bien plus de libertés au joueur dans sa manière de jouer et de résoudre les énigmes. Apparemment The Witness a l’air d'être plus proche de ce type de design, ça me rassure (même si certains propos de Chev, qui pourraient laisser supposer la présence d'énigmes sonores aka “soluce direct si le brute-forcing ne fonctionne pas”, assombrissent un peu le tableau).

Ouais, la solution est vraiment à éviter. Autant regarder un let’s play, mais comme en soi tu vas juste assister à la résolution d'énigmes, ça n’a pas beaucoup plus d’intérêt. ^^

Sinon, le son est un élément primordial du jeu, donc ce serait dommage de passer à côté.

Skarn : Finir Fez n’est pas vraiment le problème. Ce que je reproche au jeu ce sont toutes ces énigmes un peu craquées où tout deviner tout seul tient du miracle parce que le jeu ne fournit pas assez d'éléments pour te permettre de déduire par toi-même les solutions à envisager. Déjà, dans ce jeu, identifier des décors à travers trois pixels qui se chevauchent sur un morceau de papyrus je trouvais ça très limite et pas spécialement intéressantes. Pour moi Braid souffrait des mêmes symptomes, mais en beaucoup moins accentué.

Après, comme tu le dis, le problème de Braid c’est que ces éléments étaient nécessaires pour finir le jeu puisque celui-ci était finalement assez linéaire dans sa progression. Mais je les ai trouvés assez rares pour les pardonner.

The Witness ne souffre pas de ce genre de soucis. Le game design est vraiment du travail d’orfèvre, tout est progressif. C’est un gros mille-feuilles bien touffu mais très didactique vu que tu as toujours quelque part une version “simple” d’un mécanisme qui va te permettre plus tard de résoudre la version “dure” où ils auront mélangé plusieurs types de mécanismes.

Puis c’est un jeu non-linéaire, à l’inverse de Braid, donc être coincé sur une zone n’est pas un problème : on va se promener ailleurs et se pencher sur une autre énigme, qui peut-être nous aidera à voir sous un jour nouveau le puzzle précédent.

Bref, je trouve qu’il est moins créatif que Braid au niveau de la variété des mécanismes (sur Braid c’est plus un thème commun qui a été traduit par pleins de mécanismes très différents), alors que dans The Witness tout est focalisée sur une mécanique, mais qui est exploitée de fond en comble. Je pense que c’est aussi ça qui fait que j’ai davantage ressenti une courbe d’apprentissage super bien maîtrisée (un truc auquel je suis de plus en plus sensible dans les jeux).

C’est juste que je suis totalement incapable de résoudre les énigmes sonores

Une des leçons récurrentes du jeu est que ce genre de raisonnement est entièrement dans ta tête. Si tu le fais sans soluce, tu as une chance de l’apprendre et sinon c’est fichu.

Accessoirement, comme je l’ai dit ça n’est pas nécessaire pour finir le jeu, juste ne pas le finir à 100%, et le sentiment est pour l’instant tout contraire à la frustration, ce que je ressens est carrément de la joie à chaque nouveau truc potentiel que je découvre. Si tu es en train de te frustrer face à un puzzle, il y en a 600 autres sur l'île, dont certains vont forcément te donner de nouvelles idées sur celui qui bloque. C’est extrêmenent difficile de se retrouver coincé, il y a toujours un autre truc à faire.

Sans compter le danger de tomber sur un truc que tu n’aurais pas dû savoir en cherchant ta solution. les surprises rencontrées font vraiment partie du sel du jeu.

Une des leçons récurrentes du jeu est que ce genre de raisonnement est entièrement dans ta tête. Si tu le fais sans soluce, tu as une chance de l’apprendre et sinon c’est fichu.

Je ne sais pas exactement quel genre de leçons donne le jeu, mais je pense avoir une assez bonne estimation de mes capacités (et de mes incapacités). Tout comme il te serait difficile, voire impossible de résoudre une énigme consistant à classer 10 blocs rouges et verts (ou toutes autres couleurs que ton daltonisme t’empêcherait de différencier) en deux piles de couleurs différentes sans brute-forcer, il m’est quasiment impossible de résoudre des énigmes basées sur le son sans y aller à la bourrin. Pour moi ils se ressemblent tous. Autant me demander d’organiser des lettres extraterrestres par ordre alphabétique. Ce genre d'énigme ne peut pas m’apprendre grand-chose à part “à force de faire n’importe quoi on finit par trouver la bonne solution par hasard”, mais ça je le sais déjà (et si la leçon est plus profonde que ça, je ne vois pas ce qui pourrait m’empêcher de la retirer d’une soluce).

(Par contre je n’ai rien à redire sur le reste de ce que tu dis, et c’est une bonne chose que Blow soit passé à un modèle plus ouvert.)

“Tout comme il te serait difficile, voire impossible de résoudre une énigme consistant à classer 10 blocs rouges et verts”

C’est quoi ton problème avec les sons ? Parce que le daltonisme est une anomalie génétique, donc je trouverais un poil déplacé comme comparaison si ton souci est pas d’ordre médical. :p

Perso, pas mal d'énigmes me bloquent encore (mais quand la révélation vient, c’est tellement grisant ^^).

Pas encore été tenté de Google une énigme, je redoute le moment où ça arrivera. ^^’

En plus, en l’occurence j’ai même résolu les énigmes où mon daltonisme m’empéchait de vraiment voir le truc, et sans force brute, c’est te dire si c’est pas la peine de psychoter.

Là j’ai vraiment bien avancé, il n’y a bientôt plus de puzzles dont je connais l’emplacement que je n’ai pas résolu mais ceux qui restent sont bien durs (enfin, on dit toujours ça avant d’avoir trouvé le truc) et trouver les autres aussi. Les cachettes sont toujours merveilleuses.

Mon score actuel est de 436

avec 36 heures de jeu