Demain j'achète une PS3 mais... |
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Chronique ordinaire de la mutation de l’offre vidéoludique. Le jeu vidéo est devenu plus qu’un simple divertissement underground pour gens aisés. Loin d’être autre chose qu’un produit culturel et commercial, c’est aussi un phénomène de société. Et si les médias n’ont toujours pas évolué sur la question, comme le montre encore une fois la campagne détestable qui s’est abbatue sur GTA4, consommateurs et développeurs se sont mis au goût du jour. En effet, aussi bien que les vêtements et les goûts musicaux marquaient jusqu’à présent une identité sociale, le choix du consommateur en matière vidéoludique crée par la même occasion sa nouvelle identité, toute post-moderne qu’elle soit. Et les enseignes ont bien compris que quelque chose était en train d’évoluer dans les habitudes et les mentalités. Peut-être par effet “playstation” ou “pokemon” (des mots en p comme “pute” et “payer”) le support vidéoludique s’est démocratisé. Et ce à tel point que les consoles new gen ont dû se démarquer non plus par leurs capacités intrinsèques, encore que la course à la prouesse technique continue de se faire, mais par un emballage, un surplus déguisé aux couleurs et aux odeurs du public visé. De nouveaux termes se font alors l’écho de ces nouvelles habitudes et identités : casual et hardcore gamers. Qu’en est-il en réalité ? Les gros groupes ont montré leurs limites commerciales et techniques. Si bien que pour vendre il faut encore se distinguer et créer le désir de consommer, ou encore mieux, un mimétisme puissant et attirant autour de valeurs communes. Premier concurrent de la nouvelle génération pas si jeune, Nintendo a su considérablement reprendre la main. Mais à quel prix ? Car si l’on peut observer que la Wii (et la DS) se vend comme des petits pains grâce à son prix attractif, c’est avant tout un concept qui est vendu : celui d’une télécommande et d’une nouvelle approche de jeu (dans les airs). Et ça marche, puisqu’en plus de ne pas communiquer sur sa marque comme jusqu’alors (Super Nintendo, Nintendo 64, etc.) Nintendo (qui ?) parle de la Wii. Pas une simple console de jeu, ni pour amateurs de jeux classiques… un support multimédia ouvert à tous. Et le public s’élargit. Il suffit de voir tous ces parents qui se prennent maintenant pour des gamins et découvrent, ô miracle, les joies du jeu vidéo. D’ailleurs n’existait-il pas avant eux ? Non, puisque c’est par la Wii que tout commence pour eux. Il suffit d’avoir un brin de curiosité et le tour est joué. Monsieur et madame vont pouvoir faire leur golf chez eux. Seulement, au fond, c’est le jeu vidéo des origines qui se meurt. Car comme sur DS, les éditeurs ne travaillent plus que sur des gadgets. Oui, on vend des concepts, expédiés en 5 minutes, ou peut-être quelques heures. Tout pour remuer de façon nouvelle (mais pas révolutionnaire pour un sous) un machin en forme de chose qu’on peut mettre dans une main, peut-être pour mieux se gratter le cul quand on en a besoin. La Wii ce n’est donc pas la nouvelle génération, c’est un produit dérivé de la culture vidéoludique. Un quelque chose qui amuse et amène le mainstream au jeu vidéo sans lui présenter autre chose que des images lisses et des programmes utilitaires et vides de sens (Okami ne se vend pas mieux que sur PS2, pourtant le pinceau mieux géré aurait dû faire sensation, mais non !). Jusqu’à vendre un tapis, comme si le sport, le vrai, n’existait plus. Nintendo réinvente des besoins, c’est fort. Et prend tout l’espace commercial. De plus en plus. Jusqu’à étouffer le marché ? En face, ce n’est pas brillant. Microsoft réussit à s’imposer chez lui, et fait dans le traditionnel, de qualité, comme le montre son Live. Toutefois, la ludothèque est en demi-teinte avec des vrais-faux bons-mauvais jeux (on est perdu) et se partage avec celle de la PS3. Quant au pack Arcade, il est accessible mais ne propose pas de disque-dur. On peut se demander si la X360 pourra faire mieux. Quant à la PS3, elle est chère et sa révolution technologique n’intéresse même pas les méticuleux Japonais. Les hits arrivent, peu à peu, et la console sait résister. Néanmoins, le progrès ne semble pas se faire : rétrocompatibilité PS2 morte, disque dur étroit, etc. Les gamers s’en détachent. 2 consoles qui misent sur les core gamers, ces espèces de monstres de jouissance virtuelle. Or, ils se font bouffer de plus en plus. Sony accumule les bourdes dans sa com’, chose hallucinante pour l’ancien roi du forcing commercial. Le clivage ce n’est plus tellement la fracture sociale. Pas même avec le pouvoir d’achat qui chie. Non, le jeu vidéo est en proie à une maladie étrange : il change de peau, mue, et sous la contrainte de la rentabilité laisse exploser ses codes pour mieux reculer d’un pas. C’est la banalité qui va s’emparer du marché et l’avenir risque fort de nous réserver des surprises. Du genre de celles qui ne font pas plaisir : le marché va s’auto-réguler sur ces nouvelles données et c’est le petit truc bling-bling en plus, le truc hype du moment, qui va façonner les choses. Puisque les consommateurs ne savent pas quoi faire et qu’on leur présente un urinoir vidéoludique pour laisser dégouliner leurs envies expéditives. La créativité, la vraie, celle du jeu et des univers, va devoir affronter la nouvelle horde des commerciaux élevés à la télé-réalité aliénante et asseptisée. Je fais donc le pari de la PS3, pour motifs personnels quelconques (euh, non, les jeux !) mais je déplore cette évolution des choses. Comme si ce pour quoi on avait toujours combattu (la reconnaissance du jeu vidéo et de notre passion) s’était transformé en notre pire cauchemar. Le jeu vidéo post-moderne est autant futile que ce que la société est devenue : vous avez donc le choix entre un produit et d’autres, sous couvert d’étiquettes et de publicités. Mais l’esprit, lui, s’en est allé, je crois. |