Xenosaga est un projet très ambitieux dont le premier épisode, pourtant très bon, a été assez critiqué. Celui-ci mettait en place l’univers de la série et un style de jeu particulier. Aujourd’hui la suite de ce space opera vidéoludique est enfin arrivée, et elle n’est à nouveau pas du goût de tout le monde.
Tout d’abord, il est bon de rappeler que la Xenosaga n’a rien à voir avec Xenogears, Tetsuya Takahashi (le créateur de la série) soutenant lui-même lors de la sortie du premier épisode : “Je sais que des gens pourraient penser qu’il s’agit d’une suite de Xenogears, mais c’est un jeu entièrement nouveau ; je suis revenu à la case départ pour le créer.” Maintenant que votre esprit est clair, nous pouvons passer au résumé de l’histoire de ce Jenseits von Gut und Böse.
Le jeu débute lors d’un flashback vous amenant il y a 14 ans sur la planète Miltia durant la guerre civile. Canaan, un realian, et son co-équipier chaos sont envoyés à bord de l’ES Asher par Helmer pour sauver les URTV. Sur le chemin, ils sont attaqués et feront connaissance du capitaine Jin Uzuki, frère de Shion, possédant des informations secrètes sur la situation. Ils rencontreront Margulis, commandant de l’organisation U-TIC, et Jin livrera contre lui un magnifique duel. C’est là que le flashback prend fin, nous ramenant directement à la suite des événements de Der Wille zur Macht : Shion et ses amis arrivent enfin sur Second Miltia, à bord de l’Elsa, où elle et KOS MOS se rendront aux quartiers généraux de leur société Vector, pendant que MOMO ira au centre de transfert de l’UMN. C’est alors que l’U-TIC commence à dévoiler sa vraie nature pour mettre la main sur le Zohar qui dort sur Old Miltia, dont l’accès est scellé. Pour ceux qui ont fait le premier épisode, il sera donc intéressant de suivre l’évolution de nos personnages, les révélations sur U-TIC ainsi que de découvrir l’enfance et le devenir du trio d’URTV composé par Albedo, Rubedo et Nigredo. Cependant, il est dommage de n’avoir aucune réponse à nos questions et de se retrouver avec un premier disque peu intéressant au niveau du contenu où l’on découvre une Shion plus qu’énervante. Seule la fin du jeu est vraiment renversante, laissant présager un bon épisode 3, même si l’on peut se poser des questions suite au départ de Soraya Saga ainsi que l’établissement d’une nouvelle équipe qui peut se permettre de ne plus prendre en compte l’avis de Takahashi. Le fait de penser déjà à un troisième épisode montre bien le vide de Jenseits von Gut und Böse. Si les événements sont sympathiques, et les rebondissements exaltants, on se rend bien compte que le travail a été bâclé. Le jeu aurait normalement dû faire partie du premier épisode (de nombreuses scènes se retrouvaient déjà dans les premiers trailers du 1), mais il faut se rendre à l’évidence, le grand projet ambitieux de Takahashi est saboté par Namco dont l’influence est néfaste : fan service, mise en scène discutable, suppression de la database, etc… Le pire étant que malgré ça les ventes n’augmentent pas. Néanmoins, le scénario demeure toujours au-dessus de la moyenne. Le rythme du jeu est très contrasté entre des grands vides scénaristiques et des moments importants à la fin de chaque disque. Certaines scènes sont complètement ridicules comme dans le bar ou la résidence Uzuki. Aussi, les Gnosis ont totalement disparu, ce qui supprime de nombreuses possibilités. Xenosaga Episode II est donc plein de défauts, souffrant du syndrome “second disque de Xenogears”.
L’histoire reste tout de même fidèle à l’esprit Xenosaga avec de nombreuses références intéressantes en matière de religion et de mythologie, notamment. Mais le plus important reste la philosophie (attention Xenosaga ne se veut pas une oeuvre intellectuelle pour autant !) et la psychologie avec Carl Jung ou encore Friedrich Nietzsche dont le livre Jenseits von Gut und Böse (Par-delà Bien et Mal) est le sous-titre de Xenosaga Episode II. Par-delà Bien et Mal se place dans une perspective immoraliste de la morale et des préjugés moraux. Il s’agit de dépasser “la croyance aux oppositions des valeurs” qui, selon Nietzsche, n’est qu’un préjugé de métaphysicien. C’est un raisonnement sur la vie, la vérité et la morale.
Les personnages de cet épisode 2 sont tous complexes et bénéficient d’un développement assez riche de leur personnalité. On peut noter la présence de Jin Uzuki comme nouveau combattant. Quant aux personnages antagonistes, ils sont tous exceptionnels, surtout le magnifique Albedo.
Shion Uzuki :
Elle retourne sur Second Miltia pour faire ses rapports à sa société, Vector, qui doit finaliser KOS MOS. Bénéficiant d’un design plus adulte mais d’une voix énervante, Shion est devenue un personnage assez crispant et agaçant qui n’arrête pas de se plaindre. Elle refuse de faire face à son passé. Cependant, elle demeure utile contre les ennemis de type machines et les ennemis aériens malgré un seul type d’attaque.
KOS MOS :
Le personnage est assez discret dans cet épisode malgré quelques actions surprenantes. En combats, c’est un personnage puissant qui peut faire des Breaks Air. Elle pilote l’ES Dinah.
chaos :
C’est avec lui qu’on commence le jeu. Lui aussi est plutôt discret, et peut effectuer des Breaks Down ainsi que des attaques de glace. Il semble toujours aussi énigmatique, cachant de nombreuses choses. Il vous réservera une surprise intéressante dans la fin du jeu.
MOMO :
Troquant sa baguette magique pour un arc et une voix niaise, MOMO est sûrement le personnage qui a le moins bien évolué, recherchant toujours l’amour de sa mère. Elle est très faible mais possède les meilleurs soins.
Ziggy :
Toujours aussi froid, il sera pourtant d’une grande utilité pour pimenter vos combats grâce à sa force destructrice et ses Breaks Down.
Jr :
Jr, ou Rubedo, est sûrement le personnage principal le plus intéressant et le plus touchant de cet épisode. Il doit faire face à son passé et défier son frère, Albedo, partagé entre haine et amour.
Jin Uzuki :
Jin est le frère de Shion et passe son temps à se disputer avec elle. Il prendra part à l’aventure afin de découvrir les données cachées dans Canaan. Classe et rappelant Shitan de Xenogears, il manie le sabre dans des Breaks Air dévastateurs.
Albedo :
Ceux qui ont fait le premier épisode le savent, Albedo (l’un des personnages les plus charismatiques du jeu vidéo) est le frère de Rubedo. Sadique et cynique, c’est un redoutable adversaire qui possède le plus bel ES de l’Univers, Simeon. Dans cet épisode, sa jeunesse est dévoilée, renforçant encore plus le caractère fou du personnage. Maintenant qu’il possède les Y-Data récupérées sur MOMO, il va pouvoir mettre son plan à exécution. Ses apparitions valent à elles seules l’achat de XS Episode II (!!).
Le premier épisode de la saga proposait un système extrêmement libre de progression des personnages avec une grande variété de compétences différentes. Chaque combattant pouvait donc évoluer d’une manière personnalisée grâce à ce système ingénieux et complexe. Or, dans l’épisode 2, tout a été supprimé. On retrouve un grand tableau rassemblant tous les skills (qu’ils soient des compétences, des magies ou des sortes d’équipements spécifiques) dans lequel il faudra les acheter avec des points, obtenus en combattant. Il n’y a donc plus de spécificité, juste une égalité entre chaque personnage, le joueur ne peut plus se former une équipe évoluant à sa guise. Ici, tout le monde a les mêmes compétences, mais si certains ont d’infimes attributs personnels, et que certains sont naturellement plus forts que d’autres (comme Ziggy par exemple), on peut se demander quelle est l’utilité de personnages plus faibles comme MOMO, sachant que le jeu est plutôt corsé. Vous allez donc privilégier une équipe ne contenant pas forcément les personnages que vous appréciez. Autre chose, il n’y a plus d’argent ni de boutiques, vous devrez tout gagner en combats ou en fouillant les donjons, ce qui augmente la difficulté du jeu.
De plus, les combats sont décevants. Toujours à 3 combattants dans du tour par tour traditionnel, ces affrontements se retrouvent améliorés avec l’attribution à chaque ennemi de zones propres de dégâts (A, B ou C) qui donnent un intérêt plus stratégique dans le but de trouver le point faible. Il faut viser celui-ci en effectuant des combos (Breaks) après avoir stocké jusqu’à maximum 3 attaques normales (pour plus d’efficacité). En trouvant le point faible, et grâce à un enchaînement précis (BBC par exemple qui correspond à Carré, Carré, Triangle + 3 grosses attaques, s’il y a 3 Stocks), vous pouvez passer la défense de l’ennemi et enchaîner celui-ci pour augmenter les dégâts. Dans le même temps, grâce au Boost (une barre qui se remplit au fur et à mesure des attaques), qui est maintenant commun aux 3 combattants, vous pouvez voler des tours à l’adversaire et enchaîner encore plus celui-ci, ce qui s’avère jouissif. Les personnages ont des Breaks spécifiques, ainsi il vaudra mieux mettre Jin et KOS MOS ensemble pour réaliser des Breaks Air, ou Ziggy avec chaos pour les Breaks Down, ce qui entame encore plus la liberté de choix. On peut aussi noter l’apparition des doubles attaques (inutiles car nécessitant des stocks et des boost) ainsi que la possibilité, comme dans Final Fantasy X, de changer de personnages en combat. Malheureusement, les coups normaux sont faibles, et il faudra renouveler à de nombreuses reprises les combos ou Breaks, ce qui implique de stocker. Or, le stockage prend de nombreux tours et surtout du temps. Les combats sont d’ailleurs extrêmement durs et surtout longs : la force des ennemis est déséquilibrée par rapport à votre équipe et il n’est pas rare de passer environ 5 minutes dans un combat normal, ou même 30 à 40 minutes sur un boss (surtout que les temps de chargement sont horribles). On s’ennuie donc très vite avec un système de combats répétitif et peu dynamique au final. Heureusement, le jeu propose aussi des phases d’exploration et de combats en mecha, les ES, qui contrairement aux AGWS de l’épisode 1, servent à quelque chose. Ces passages rappellent fortement Xenogears, et il vous faudra comme dans les explorations à pied, résoudre de nombreux puzzles complexes dans des donjons immenses, mais trop linéaires, où vous pourrez détruire les éléments du décors pour récupérer des items ou déclencher des pièges contre les ennemis. Cependant, les combats en ES conservent les défauts mentionnés plus haut, puisqu’il faudra stocker pour déclencher des attaques puissantes dont la nature varie en fonction des pilotes et co-pilotes assignés.
Pour devenir vraiment puissant, il faudra remplir les Global Sanmaritan Campaign, de nombreuses quêtes annexes peu originales, longues et fatigantes permettant l’acquisition d’items ou de nouvelles doubles attaques. Elles consistent à retrouver des gens ou des objets particuliers (faire des cocktails, etc.). Ces GS prolongent artificiellement la durée de vie ridicule du jeu : 20 heures suffisent pour en arriver à bout (dont 7 heures pour le premier DVD !), ce qui est tout simplement du foutage de gueule. Comptez donc environ 20 heures exaspérantes de jeu en plus pour compléter ces GS ou encore vaincre les bosses cachés de la version américaine (et toujours la quête des Sector Keys). Ce jeu possède donc de bonnes idées mal exploitées qui rendent le gameplay lourd, le dynamisme inexistant et le tout trop dirigé. Le plaisir de jeu est peu présent, sauf à partir du dernier donjon. C’est donc une bien belle régression par rapport à l’inventivité et la liberté de Der Wille zur Macht (d’ailleurs la sauvegarde de l’épisode 1 ne permettra que de débloquer de vulgaires costumes bonus…).
Au niveau graphique, le jeu est très joli mais l’aliasing est encore bien présent. La modélisation des personnages est correcte, leur design et leurs nouveaux costumes sont aussi du plus bel effet, tout comme pour les ES. Le rendu plus réaliste contribue à renforcer la noirceur du scénario mais il y a un contraste entre cette maturité et les dialogues pas toujours intelligents. On peut regretter que Monolith ne sache pas modéliser correctement des mains et que le tout puisse ramer en combats. Les effets d’eau sont remarquables et les magies du plus bel effet. Cependant, les ennemis sont banals et les décors assez vides. Les cinématiques sont, quant à elles, sublimes bien que trop rares, au bénéfice des cut scenes. Concernant les musiques, celles-ci sont fabuleuses dans les phases scénaristiques grâce au talent de Yuki Kajiura (.hack, Noir) avec par exemple Communication Breakdown, mais on regrette énormément le départ de Mitsuda qui a laissé sa place pour les musiques in-game à Shinji Hosoe, un compositeur attiré par la techno. Et le résultat est inaudible avec un son répétitif, saoulant, et très supermarché. Il réussit quand même à faire de bons battle theme avec une musique très agréable pour l’affrontement final du jeu. Aussi, le doublage est de bonne qualité dans l’ensemble.
Pour la sortie du jeu au Japon, une version collector était disponible. Ce Premium Box de 135 euros contient le jeu, un artbook, un DVD regroupant 5 heures de cinématiques du premier épisode, ainsi que deux figurines sublimes de KOS MOS. Bien évidemment, ces deux pièces de collection attisent les passions et les convoitises grâce à leur beauté divine : elles ont même été renommées MOK KOS. Et bien sûr, notre dieu aux cheveux verts s’est fait avoir. ^^
Tremblez devant MOK KOS !!
Xenosaga Episode II ~ BlablaNietzsche ~ est une grosse déception. Regorgeant de bonnes idées mal exploitées, le jeu accumule les erreurs et ne fait que lasser le joueur. Le fan y trouvera son compte, surtout en ayant vu la fin grandiose, et pardonnera peut-être les nombreux défauts. XS2 demeure malgré cela un bon petit RPG mature dont l’esthétique est réussie. Il faut espérer que le prochain épisode revienne au moins vers le style de Der Wille zur Macht. Et comme dirait Super Weirdhog, “Une petite descente en règle de Xenosaga II, c’est aussi joli qu’une chanson des Libertines !”.
Bonus : Le jeu est annoncé en France.
Admirez la faute, merci Namco.
Ecrit par Daku le 11 juillet 2005 | Modifié le 16 avril 2008