Megami Tensei (Métempsychose de la Déesse) ou Megaten est l’une des séries les plus vastes et populaires dans le domaine du J-RPG, certainement la troisième après Dragon Quest et Final Fantasy. Comprenant de nombreux titres (1) aux caractéristiques variées, la série et ses spin-offs constituent un riche et vaste univers (2) en continuelle expansion depuis 1987, originellement basé sur l’œuvre littéraire éponyme d’Aya Nishitani. Un univers mature, noir et déviant : on y parle de divinités malveillantes, de cultes satanistes et autres visions d’apocalypse avec pas mal d’éléments de science-fiction pessimiste. En fil rouge, un rapport constant à la démonologie, aux mythologies de diverses cultures ainsi qu’à la technologie, aux univers modernes voire futuristes. La série principale est célèbre pour son ingénieux principe de capture et gestion des familiers (appelés démons, Personae ou autres selon les jeux), qui a inspiré les Pokémon et autres émules. Il est également de notoriété publique que ces jeux sont exigeants, difficiles d’accès et par conséquent destinés aux core-gamers. Shin Megami Tensei : Persona est par exemple un spin-off dont le concept est de mêler simulation de vie quotidienne nippone (une vraie dimension “dating sim” existe depuis le troisième) avec du Dungeon-RPG pur et dur. Deux genres de jeu très geek, peu pratiqués en Occident, d’où l’absence d’exportation européenne jusqu’à très récemment. En effet, les Megaten commencent à parvenir sur le vieux continent avec, rétrospectivement et tous sur PS2 : Shin Megami Tensei III : Nocturne Maniacs (2005), les deux Digital Devil Saga (2006 et 2007), Devil Summoner 3 : Kuzunoha Raidô (2007), Persona 3 (2008) et enfin Persona 3 : FES (2008). Cet article portera sur ce dernier jeu, qui est une version améliorée de Persona 3 comportant divers ajouts ainsi qu’un chapitre additionnel.
Au commencement, deux possibilités s’offrent au joueur : The Journey, soit l’intégralité de Persona 3 enrichie d’un grand nombre d’améliorations, et The Answer qui lui fait directement suite. Nous reviendrons plus tard sur celui-ci : concentrons-nous sur le corps du jeu. Conformément à ses prédécesseurs (3), Persona 3 est articulé autour d’un équilibre entre vie quotidienne et exploration de donjon. Le héros du jeu est un adolescent fraîchement transféré au lycée de Port Island. Ce jeune homme est orphelin : ceci sera le seul élément donné avec son apparence et, au fur et à mesure, quelques informations sur son passé. En effet, à l’instar de nombreux jeux estampillés Megaten, déterminer la psychologie du héros sera à charge du joueur : le protagoniste ne s’exprimera que via des propositions de réponse (limitées) lors des dialogues. En plus de cela, il va falloir gérer sa vie sociale, choisir ses goûts et fréquentations. Même si, nous le verrons plus tard, cet aspect s’avère faussé et en fin de compte dirigiste puisqu’il est vivement conseillé de s’intéresser à tout le monde. Notre protagoniste, donc, va emménager dans un dortoir a priori tout à fait commun mais qui est en réalité le quartier général du SEES (Specialized Extracurricular Execution Squad), une confrérie étudiante secrète éveillée au pouvoir “Persona”. Ce pouvoir consiste en la matérialisation d’une seconde personnalité disposant d’aptitudes surnaturelles, généralement dédiées au combat (4). Bien sûr, comme par hasard notre héros est lui aussi sensible à ce pouvoir et, poussé par des circonstances critiques, ne tardera pas à éveiller Orpheus, sa Persona. Par éveiller, j’entends se tirer une balle dans la tête à l’aide d’un “Evoker”, qu’on définira comme… outil d’invocation exactement semblable à un revolver. Un principe délicieusement macabre, symbole d’affrontement face à la peur de mourir, ou d’éclatement de la façade publique pour libérer le véritable Soi (5). Le soir, les figures charismatiques appartenant au SEES luttent contre des entités malveillantes nommées “Shadows”, durant la Dark Hour, anomalie temporelle apparaissant après minuit, imperceptible par les humains ordinaires. Les Shadows sont entre autres responsables d’un syndrome d’apathie transformant une frange grandissante de la population humaine en carcasses vides de toute volonté ou émotion. La menace gagnant progressivement en importance, l’humanité semble compromise si personne ne s’oppose au phénomène. Chaque soir après minuit, le lycée Gekkoukan, que fréquentent les membres du SEES, se métamorphose en une énorme tour à l’architecture changeante et anarchique : le Tartarus (6). Véritable nid de Shadows, cette tour est le lieu que prend d’assaut notre équipe afin de garantir la sauvegarde de l’espèce humaine, tandis que s’accroît le danger à mesure que les mois s’écoulent. Bien entendu, le SEES accomplit sa tâche dans l’anonymat le plus total puisque l’écrasante majorité des hommes ignore l’existence des Shadows et de la Dark Hour.
Le design de Persona 3 est dynamique, jeune et chatoyant. On le ressent surtout via les menus plein de peps et l’introduction animée au minimalisme d’assez bon goût. Quelques séquences animées plus classiques interviennent également durant le jeu (7). Le character design signé Shigenori Soejima, glamour et détaillé, est typiquement apparenté au shônen manga avec son lot de caractéristiques typiques, allant du héros lisse dont les mèches masquent une partie du visage (8), à la charmante et ingénue androïde de combat (9). Persona 3 baigne en plein univers lycéen fantasmé, tel qu’on le trouve dans les mangas populaires : clubs sportifs, fêtes traditionnelles, légendes urbaines et quiproquos sont au rendez-vous, parmi tant d’autres éléments participant de ce gigantesque rassemblement de stéréotypes. Loin d’entacher la qualité de Persona 3, ce côté jusqu’au-boutiste renforce son ambiance “fan service”. Le jeu nous propose exactement ce qu’il se veut être, de manière efficace, avec son cachet personnel, point. Inutile d’attendre une quelconque originalité sur ce plan-là. Les Personae, pour leur part, interprètent librement l’iconographie des mythes mondiaux : on retrouve autant un Thor qu’un Lucifer ou une Athéna dans un style graphique agréable et étonnamment homogène.
En termes de représentation tridimensionnelle, Persona 3 est minimaliste et peu détaillé. Les environnements praticables comme les personnages contiennent malheureusement très peu de polygones, sont à peine texturés et rappellent ainsi… de la PSOne à peine lissée. Le rendu est toutefois agréable à l’œil et participe à l’aspect cartoon, clairement marqué lors des dialogues via quelques onomatopées et cases de BD. Il reste dommage que le titre soit largement en-dessous d’un Digital Devil Saga, pourtant sorti plus tôt, et n’exploite pas les qualités de mise en scène développées dans celui-ci (parmi d’autres Megaten récents) pour se contenter du couple “vue aérienne en 3D – avatars illustrés en 2D”. Un point de vue graphique charmant et privilégiant l’imagination mais limité, difficile à défendre puisqu’il se charge également de masquer en douce l’absence de détail des modèles 3D. Quant au Tartarus, on le devine inspiré sur papier mais son rendu est décevant. La tour manque clairement de richesse architecturale, sa folie et son expressionnisme ne sont pas suffisamment mis en valeur malgré quelques bonnes bases et des références diverses allant du décorum gothique, au calque des paysages biotechnologiques d’H.R. Giger en passant par une espèce de psychédélisme électro rescapé des eighties. Le Tartarus aurait pu s’imposer comme un Merzbau (10) du XXIe siècle, mais sa pauvreté lui dérobe cette vocation. Ceci est en partie dû à la contrainte de devoir générer les niveaux aléatoirement selon plusieurs modèles visuels, mais pas uniquement : il y a un vrai manque de travail, cet antre du mal paraît désespérément vide et angulaire, y compris dans ses étages-clés (les paliers qui ne varient jamais).
A côté du visuel, le jeu baigne dans une atmosphère sonore alternant thèmes classiques ou à sonorités rock, et morceaux plus pop, funky voire même hip-hop, qui vont du bon à l’insupportable sur la durée… Si les thèmes scolaires s’avèrent très appropriés et entraînants, il en est autrement du dortoir, par exemple, dont il faudra subir la musique de fond et son agaçant MC durant quasiment toute l’année de jeu.
Il devient évident que le principe régissant Persona 3 est effectivement le temps : durant toute une année scolaire, il va falloir gérer ses journées entre heures de cours, moments de liberté et exploration du Tartarus. Hors périodes de vacances, le héros se rend automatiquement au lycée du lundi au samedi (impossible de sécher !), où sont proposées scènes de vie estudiantine, séances de cours avec et sans interrogations, discours ou autres événements ponctuels, selon les journées. Après les cours, il devient possible de visiter quelques lieux (peu nombreux), principalement pour établir des “Social Links”, c’est-à-dire nouer des liens avec certains personnages liés à un arcane majeur de tarot, par exemple en allant s’inscrire à l’un ou l’autre club d’activités extra-scolaires pour assister à de nombreuses saynètes plus ou moins interactives. Au fur et à mesure que se fortifie le lien (amitié, amour, rivalité et autres), le niveau de S.Link augmente, avec un maximum de dix. Chaque séance de temps passée avec quelqu’un propulse automatiquement le jeu vers la tranche horaire “Soirée”. A la place, il est possible de visiter quelques lieux dans le but de procéder à divers achats ou encore de poursuivre une activité solitaire (karaoké, arcade, cinéma, etc.) qui augmentera parfois les statistiques de la Persona mais surtout du héros. En effet, il va falloir gérer trois caractéristiques fondamentales : l’intelligence, le charme et le courage, dans le but d’obtenir de bons résultats aux examens, d’intéresser certains personnages ou d’accéder à d’autres spécificités, bloquées sans de bonnes statistiques.
En soirée, les possibilités sont soit de se balader dans le centre commercial, soit de progresser dans le Tartarus selon les disponibilités de l’équipe puisque tout le monde n’est pas toujours présent au dortoir, ou en bonne santé. Ceci permet de moduler le ratio entre vie sociale et vie guerrière de manière très arbitraire. Les seules obligations de combat se manifestent lors des pleines lunes mensuelles, durant lesquelles survient inévitablement une mission urbaine face à des Shadows moins tendres que d’ordinaire. L’occasion de voir l’histoire principale progresser. Quand vient l’heure de se coucher, il est possible d’étudier ou de dormir, mais attention aux coups de fatigue ! En période de congé, la tranche horaire “School” est remplacée par “Daytime” et permet une activité plus contraignante, comme une longue journée devant le MMORPG Innocent Sin (11). L’enjeu des séances de vie sociale est avant tout de gérer son temps selon les heures, jours et lieux spécifiques à chaque connaissance. La difficulté est de ne mécontenter personne : attention aux réponses ou à ne surtout pas annuler un rendez-vous pour voir quelqu’un d’autre, sinon gare à la dispute ! Dans ces cas-là, il faudra trouver le personnage afin d’établir une réconciliation, le cas échéant le niveau de S.Link restera bloqué en mode “Reverse”. Il va falloir jouer les opportunistes et plaire à tout le monde sans exception puisque, nous le verrons plus loin, des relations sociales dépendent la puissance des Personae. De cela en découlent des situations irréalistes à la morale douteuse (surtout pour un jeu supposé distiller des leçons de vie), telle qu’avoir quatre petites amies en même temps ! En effet, il est possible de draguer chaque personnage féminin. Sauf qu’en décidant d’établir un lien social programmé pour déboucher sur un amour, une autre issue sera impossible au terme des dix paliers ! En effet, les relations sociales de Persona 3 ne proposent pas d’embranchements, elles évoluent de manière linéaire pour toujours aboutir aux mêmes événements. Bien sûr, lors d’une première partie le principe fait mouche et l’impression de liberté émerveille. Seulement cette liberté n’est qu’illusion, tout comme choisir l’un ou l’autre club de sports amènera en réalité à rencontrer les mêmes personnes. Dommage que la magie n’opère plus une fois ce principe démasqué. Le jeu manque de facteurs aléatoires ou plus simplement de possibilités relationnelles. Saluons tout de même l’énorme travail effectué sur les très nombreuses scènes visibles et leur quantité pharaonienne de dialogues en tous genres, ainsi que les efforts fournis pour produire une impression d’imprévisibilité avec quantité d’événements surgissant régulièrement au fil des journées. Ces événements étant parfois facultatifs, tributaires d’une condition ou vus différemment selon certains choix, ils contribuent à personnaliser l’expérience de jeu, à la rendre “unique” mais j’insiste fortement sur les guillemets puisqu’une fois encore, les possibilités sont limitées.
L’autre moitié du jeu est la fameuse lutte contre les Shadows. Pour cela, il est nécessaire de progresser dans le Tartarus, donjon organisé en étages superposés dont le plan est généré aléatoirement à chaque visite. Chaque étage contient son escalier, son lot d’ennemis (visibles sur la carte, donc évitables), des coffres aléatoires et parfois un point d’accès qui sert à revenir (entièrement soigné) au rez-de-chaussée où il est possible de sauvegarder, modifier la composition de l’équipe et accéder à la Velvet Room. Cette salle s’apparente à un étrange ascenseur en perdition, aménagé avec raffinement et régi par un certain Igor (12) qui se charge d’initier le protagoniste à l’utilisation des Personae. De surcroît, Igor peut fusionner plusieurs Personae entre elles pour obtenir de nouvelles créatures. Elizabeth, son assistante, se charge de tenir un compendium des Personae possédées, par l’intermédiaire duquel il est possible d’invoquer n’importe laquelle d’entre elles moyennant une somme d’argent proportionnelle à la demande. En effet, le nombre de familiers “transportables” est défini et il faudra parfois en abandonner au profit d’une nouvelle acquisition. Elizabeth propose également une centaine de quêtes annexes apparaissant au fur et à mesure de l’année, avec pour la plupart une date limite qui correspond à quelques jours avant la prochaine pleine lune : en clair, ces quêtes existent pour inciter le joueur à se mettre à niveau dans les temps, et atteindre le plus haut palier possible. En effet, les étages ne sont accessibles qu’au fur et à mesure de l’année : impossible d’arriver au sommet avant la fin du jeu, il faut se contenter d’atteindre certains étages-clés renfermant une borne d’accès aller-retour et un boss. Vaincre celui-ci avant la prochaine pleine lune est toujours recommandé, afin de garder une équipe convenable pour les combats forcés par le scénario.
Le système de combat, venons-en, emprunte partiellement le “Press Turn” de Shin Megami Tensei III et quelques mécaniques plus générales de la saga : importance des altérations d’état (bénignes et malignes), exploitation des points forts et des points faibles, priorité du personnage principal dans l’équipe. Ce système est aussi utile s’il est bien compris qu’impitoyable s’il est mal géré. Une bonne exploitation d’un point faible permet de gagner un tour de jeu mais une erreur a des conséquences critiques telles que le renvoi d’une attaque à son expéditeur. Attention, il s’agit de garder le protagoniste en vie puisque sa mort équivaut à un Game Over : pas question de le ranimer. Le joueur ne contrôle d’ailleurs que ce personnage, les trois autres étant (pas toujours pertinemment) gérés par la console : il est uniquement possible de leur donner des directives et de changer leur équipement, mais pas leur Persona qui restera indissociable de chacun d’entre eux, accentuant l’aspect tactique inhérent au choix des combattants. A noter une fonction très appréciable : pouvoir séparer l’équipe dans le donjon pour augmenter la vitesse de progression au risque de se retrouver seul face à un groupe d’ennemis, avec la possibilité de rejoindre un combat déjà engagé par quelqu’un d’autre. Par ailleurs, les personnages rendent les affrontements très animés, remplis de petites attitudes vivantes et de diverses répliques orales. A ce titre, un personnage de soutien est imposé par le jeu et celui-ci ne fait pas qu’égayer l’atmosphère puisqu’il s’agit de tenir compte de ses conseils et de sa faculté à scanner les ennemis.
En ce qui concerne les Personae, celles-ci sont tout comme les boss liées à un arcane de tarot, et modifient les performances du héros ainsi que ses forces et faiblesses : il est primordial de les choisir avec intelligence et d’adapter ses tactiques au type d’ennemi rencontré. Les Personae ne sont d’ailleurs pas des ennemis capturés, elles sont obtenues par fusion chez Igor ou remportées après certains combats : aléatoirement, apparaît une sorte de jeu de bonneteau de plus en plus complexe dont les cartes renferment de l’expérience, de l’argent, un soin pour l’équipe ou une nouvelle Persona. Par ailleurs, certaines d’entre elles ne se débloquent que si le S.Link correspondant à leur arcane de tarot est mené à terme. Du S.Link, dépend également le niveau des Personae obtenues par fusion. Enfin, pour combattre dans les meilleures conditions, il est possible de s’équiper en armes, protections, accessoires et consommables dans les différentes boutiques du centre commercial. La boutique d’antiquités, ouverte à partir du mois de juin, permet de fusionner une Persona avec une arme ou plusieurs pierres précieuses entre elles, afin d’obtenir des pièces d’équipement inédites disponibles quelques jours après commande.
Venons-en aux apports de cette édition FES (pour “festival”). En vrac : de nouvelles requêtes chez Elizabeth, de nouvelles Personae, des changements apportés aux S.Links avec notamment le nouvel arcane Aeon, des tenues vestimentaires en plus, un nouveau mode de difficulté et toute une série de modifications mineures au sein du jeu comme de nouveaux événements quotidiens. La trame d’ensemble reste bien évidemment inchangée. La principale addition est le chapitre The Answer se déroulant exactement deux mois après les événements de Persona 3, tandis que les ex-membres du SEES se réunissent au dortoir en mémoire des événements passés. Sous les traits d’Aigis, il s’agit alors d’affronter une nouvelle anomalie temporelle : condamnés à revivre la même journée en boucle sans pouvoir quitter le bâtiment, les membres du dortoir sont forcés d’explorer un curieux univers apparu au sous-sol : l’Abyss of Time. Contenant plusieurs portes, il renferme autant de donjons à étages aléatoires comparables à ceux du Tartarus, en plus dangereux.
The Answer ne conserve que la partie Dungeon-RPG : la mise en scène est réduite au minimum et il n’y a aucune dimension sociale. Plus qu’un simple bonus à la difficulté relevée, ce chapitre remplit le rôle d’épilogue et apporte des éclaircissements bienvenus. Pour l’occasion, un nouveau personnage apparaît : Metis, puissante androïde de combat appartenant à la même série qu’Aigis. Metis est jouable en combat avec son propre Orgia Mode tandis que l’héroïne, elle, perd le sien mais peut en contrepartie utiliser plusieurs Personae. Cette suite étant un challenge indépendant du jeu principal, toute récupération de sauvegarde est inutile : il va falloir repartir de zéro. De quoi augmenter la durée de vie d’un jeu qui propose déjà beaucoup de contenu à la base.
Persona 3 : FES remporte un pari : celui de l’originalité. Autant dans ses mécaniques de jeu que dans son univers, le jeu d’Atlus ravit par ses partis pris loin du formatage touchant actuellement le J-RPG sur next gen. Je me vois malheureusement dans l’impossibilité de le comparer à ses grands frères, mais il reste certain que P3F se démarque déjà, au minimum, de la production RPG sur 128-bit. Rempli de thématiques modernes telle la manipulation médiatique, ou intemporelles à travers l’acceptation de la mort, riche en contenu, instructif, distillant des leçons de vie à destination des jeunes et moins jeunes joueurs, le titre ne manque pas de qualités. Ajoutons-y un système de jeu réussi ainsi qu’une galerie de personnages attachants (très bien doublés en anglais) participant à un scénario prenant : obtenons-nous un lot gagnant ? Malheureusement, le jeu contient ses failles : un cadre tridimensionnel extrêmement pauvre et statique, une intelligence artificielle parfois rageante lors des combats, de nombreuses fausses libertés et un côté somme toute répétitif, d’autant plus que le jeu nécessite plus de soixante-dix heures pour arriver à terme en ligne droite ! Sans oublier des principes de vie parfois douteux puisque mal reproduits par rapport à la réalité, amenant à se pencher sur les rapports sociaux de manière mécanique et intéressée vu que ceux-ci sont nécessaires à l’obtention des meilleures Personae. Difficile de convertir les principes de la vie quotidienne en une série d’algorithmes ! N’est pas vainqueur des Sims qui le veut, et encore, celui-ci ne manque pas non plus de failles. Espérons que le quatrième épisode, déjà prévu en version européenne, corrigera ces quelques défauts et donnera une autre dimension à la série. Persona a enfanté l’un des concepts les plus excitants vus en RPG : il serait dommage de ne pas le pousser à un niveau optimal.
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(1) Pour une liste complète, consulter http://en.wikipedia.org/wiki/Megami_Tensei.
(2) Ou plutôt des réseaux d’univers parallèles, voir http://shindds.free.fr/megaten_chronology1.php.
(3) Persona 3 est en réalité le quatrième jeu de la série puisque Persona 2 est scindé en deux épisodes distincts : Innocent Sin (1999) et Eternal Punishment (2000).
(4) On peut rapprocher ce principe des Stands de JoJo’s Bizarre Adventure, probable source d’inspiration d’Atlus.
(5) Cette interprétation renvoie aux écrits de Carl Gustav Jung chez qui le terme “persona” désigne l’apparence publique, le masque social que chacun se crée. Or, il désigne dans le jeu la nature enfouie, le véritable cœur, qui nécessite un effort pour être dévoilé. D’où une utilisation contraire du terme. On peut toutefois y voir un rappel à la persona de Jung de par son rôle défensif dans le jeu, appelée lorsqu’un danger extérieur est ressenti. A noter que la théorie de Jung est évoquée lors d’un cours donné par l’infirmier, professeur remplaçant féru de psychologie et de sciences occultes, profitant de chaque apparition pour transmettre ses passions au joueur. Un côté didactique intelligemment intégré au jeu, un vrai petit condensé de savoir au même titre que les informations sur l’Histoire (japonaise), la grammaire (anglaise en version PAL) et autres disciplines étudiées durant l’année. Le type de matières nous indique clairement la cible première du jeu : les lycéens nippons.
(6) Dans la mythologie grecque, le Tartare est un lieu situé dans les profondeurs des Enfers : la distance du Tartare à la terre serait égale à la distance entre les cieux et la terre. Certains Titans y sont enfermés en guise de punition.
(7) J’y vois beaucoup de similitudes avec l’anime SoulTaker (2001) : mêmes types de cadrages décentrés, d’usage abondant des axes diagonaux, de couleurs vives inhabituelles pour un rendu quasi-abstrait.
(8) Voir à ce titre les personnages d’un Shotaro Ishinomori (Cyborg 009, 1963-1981) et de certains de ses contemporains comme Tatsuhiko Yamagami (Les Vents de la Colère, 1970), déjà très représentatifs.
(9) Ce type de personnage puissant mais asservi est devenu un véritable cliché voire fantasme d’otaku, que ce soit en manga (Saishû Heiki Kanojô – Larme Ultime), en animation (Mahoromatic) ou en jeu vidéo (Xenosaga). D’ailleurs, les clins d’œil parodiques sont fréquents : citons par exemple Abenobashi (épisode 8) ou Bienvenue dans la NHK (tome 1).
(10) Le Merzbau (1923-1936), œuvre d’art de Kurt Schwitters est une construction habitable anarchique constituée d’objets trouvés, contenant huit pièces de dimensions et formes variables. L’installation s’appelait à l’origine Cathédrale de la misère érotique.
(11) Ce MMORPG fictif est un clin d’œil évident à Persona 2, autant par son nom que par ses lieux et personnages. Attention, toutefois, il ne s’agit que de textes : Persona 3 ne contient malheureusement aucun sub-game mis à part le “Shuffle Time” en fin de combat et une roue de la fortune lors d’un événement bien précis.
(12) Igor, ou “le fidèle Igor” est un personnage-type qui, dans diverses histoires fantastiques, joue le rôle d’un assistant intellectuellement retardé, bossu, au visage pervers. Son prénom est tiré d’Ygor dans le Fils de Frankenstein (1939) de Rowland V. Lee mais, en réalité, un “Igor” type apparait déjà sous le nom de Fritz, assistant du savant fou dans la première adaptation cinématographique de Frankenstein (1931) par James Whale. Depuis, ce modèle est devenu récurrent et même parodié : le film d’animation Igor (2008) d’Anthony Leondis est un exemple de réinterprétation du personnage. L’Igor de Persona 3 est toutefois largement plus raffiné et érudit que ses “ancêtres” : ne sont repris que le nom, la fonction et l’iconographie. Ce personnage apparait dans tous les jeux de la série.
Ecrit par Aniki le 06 janvier 2009 | Modifié le 07 janvier 2009