Un nouveau film de Miyazaki est toujours un événement important, surtout quand il sort sur notre beau territoire français. Cette fois-ci, au lieu de nous sortir du réchauffé à la Laputa (bien qu’il soit très bon), les studios Ghibli nous invitent à vivre une aventure hors norme à travers une toute nouvelle création originale du génial Hayao Miyazaki, considéré par beaucoup comme un des dieux, si ce n’est le dieu, de l’animation nippone. Préparez-vous, le Château ambulant (Hauru no Ugoku Shiro) vient à vous !
Le ton fantastique est donné dès le début avec un plan sur un engin mécanique massif à l’aspect animal qui se ballade dans les plaines brumeuses. A-travers la fenêtre, la jeune Sophie peut voir la créature défiler mais préfère terminer son travail de confectionneuse de chapeaux. Dans son village c’est la fête, les décorations sont sorties et les gens sont heureux. L’armée défile et la joie est dans tous les coeurs. Pourtant la guerre commence entre deux royaumes. C’est dans ce contexte que Sophie décide de se rendre chez sa soeur. Mais sur le chemin elle est importunée par deux jeunes soldats fêtards. Heureusement, un jeune homme blond vient à son secours en jetant un sort sur les deux officiers. Soudain, l’inconnu empoigne Sophie et lui dit de l’accompagner car ils sont suivis. Effectivement, des formes sombres et caoutchouteuses les prennent en chasse. Après une rapide course poursuite, le jeune homme utilise un pouvoir magique les fait flotter, Sophie et lui, dans les airs. Sophie n’en croit pas ses yeux, effarée et effrayée. Mais le magicien lui dit de ne pas s’en faire et de marcher normalement dans le vide. Ils retombent plus loin sur le balcon de la maison où Sophie devait se rendre. Le jeune homme pour sa part s’en va pour distraire les monstres. Sophie, encore toute surprise, va parler à sa soeur puis retourne à sa boutique. La nuit tombe et Sophie finit de ranger ses affaires quand la sonnette retentit. La porte s’ouvre et une étrange femme vêtue de noir, l’air menaçant, entre. Elle critique les chapeaux de Sophie et celle-ci demande à la dame de partir. C’est alors que l’imposante femme se révèle être la Sorcière des Landes et, dans une rage folle, lance un sort à Sophie avant de repartir. Sophie ne ressent rien dans l’immédiat mais au bout de quelques minutes réalise qu’un changement s’est effectué. Se regardant dans un miroir elle remarque alors qu’elle a l’air d’une vieille dame ! Malheureusement pour elle, il n’y a pas que son apparence qui a vieilli, son corps est aussi celui d’une dame âgée… Sophie ne peut rester comme ça, prépare son baluchon et décide de partir de sa ville à la recherche d’une aide pour inverser le sort. Gravissant les collines avec beaucoup de mal en raison de son âge maintenant avancé, elle déniche un épouvantail, croyant trouver un bâton pour s’en faire une canne. En réalité, cet épouvantail est vivant et sautille partout pour remercier Sophie de l’avoir remis à l’endroit. Celle-ci lui demande alors s’il peut lui trouver un refuge, et l’épouvantail, qu’elle nomme “Navet”, lui indique le chemin. Quelle n’est pas sa surprise quand Sophie découvre au beau milieu des brumes le château ambulant ! Impressionnée mais déterminée, elle se force à monter dans cette habitation mouvante et ouvre la porte… Elle se retrouve alors dans une pièce sombre et sale. S’approchant du feu , elle s’aperçoit que celui-ci est un démon nommé Calcifer, doté d’une mauvaise foi absolue et contrôlant le fonctionnement du château. Sophie s’endort et le lendemain matin se réveille dans la même pièce mais dans un autre endroit ! Un petit garçon la regarde bizarrement et est interrompu par un visiteur à qui il vend des potions en se déguisant en adulte grâce à une cape magique. Son nom est Marko. Il dit être l’élève du magicien Hauru, maître du château. Quand Hauru rentre, Sophie s’aperçoit qu’il est le jeune homme blond qui l’a sauvé dans son village. Ne sachant que faire, elle prétend être la nouvelle femme de ménage et commence à remettre le château en ordre. Elle découvrira de nombreux secrets et vivra une aventure hors du commun dans ce château surprenant doté d’une spécificité ingénieuse : le pouvoir de changer l’extérieur grâce à un système de couleurs activables à la porte, ce qui permet de sortir sur plusieurs endroits en peu de temps. Une idée originale très bien exploitée durant le film et qui permettra la réalisation d’événements particuliers, intéressants et intenses.
Encore une fois, Hayao Miyazaki nous propose une histoire originale absolument incroyable. Toutefois, le scénario et l’univers ne sont pas de sa création. Le Château ambulant est adapté d’un livre de Diana Wynnes Jones, sorti chez nous sous le titre du “Château de Hurle” (Howl’s moving castle en VO). Une fois n’est pas coutume, Miyazaki s’inspire donc d’un autre conte mais le résultat est exceptionnel. Le film en lui-même possède un univers riche grâce au livre mais sans rentrer dans le détail. Contrairement aux derniers films de Miyazaki, ici on s’intéresse bien plus à l’action, aux événements, et non à l’univers. Bien sûr, celui-ci est somptueux, mais la mise en scène met bien plus en avant les personnages que le monde dans lequel ils évoluent. Aussi, alors que dans Le Voyage de Chihiro, on passait d’un monde réaliste à l’inconnu et au fantastique, le Château ambulant propose un contexte où les habitants cohabitent avec la magie et le merveilleux dès le départ. Les sentiments sont magnifiés à l’extrême et la thématique récurrente des dernières productions de Miyazaki (Princesse Mononoke) n’est plus celle de protéger la nature. De nombreuses scènes de guerres et de destruction apparaissent en rapport sûrement avec la Première guerre mondiale, mais le vrai thème mis en avant est celui de l’amour. Bien sûr, il existait déjà dans les autres productions, mais relégué en second plan. Le Château ambulant mise tout sur les sentiments qui accompagnent l’amour. On passe de la haine à la tristesse et à la joie plusieurs fois. On constate certains trous noirs dans le scénario et certaines incohérences minimes, mais cela ne gène absolument pas la compréhension et la vision du film. Cette aventure est composée comme un rêve et tout se déroule avec fluidité avec une montée en puissance des sentiments. Et pour ceux qui se plaindraient d’avoir un énième film romantique pour enfants se rassurent : le Château ambulant est une oeuvre merveilleuse et dotée d’une grande poésie avec certains thèmes plutôt adultes. Miyazaki lui-même a avoué avoir voulu faire un film d’animation pour les adultes et vieilles personnes, sûrement au travers du personnage de Sophie qui lie les générations grâce à son sort, et qui prouve que la vie est merveilleuse, et qu’il ne faut pas douter de soi aux divers âges de la vie. En tous cas, l’humour omniprésent et les quelques références aux anciens films de Miyazaki sauront déjà ravir tout les spectateurs.
Comme dit précédemment, dans le Château ambulant, tout est basé sur les personnages qui sont cette fois-ci plus importants que l’univers, grâce à leurs relations spéciales et aux sentiments qu’ils évoquent et magnifient. Beaucoup sont aux premiers abords amusants et charmants mais au fond d’eux réside une part obscure qui leur jouera des tours à cause de leurs malédictions respectives… Passons aux personnages principaux (car il y en a d’autres mais je ne voudrais pas tout spoiler).
Cette jeune fille de 18 ans fabrique des chapeaux et rencontre par hasard Hauru dont elle tombe amoureuse. Malheureusement pour elle, la Sorcière des Landes lui jette un sort qui la transforme en vieille dame. Elle rencontre le château de Hauru et se lie d’amitié pour tous ses locataires. Son apparence physique change en fonction de ses humeurs à cause du sort. C’est la seule personne de son village à pouvoir voir les hommes caoutchouc. Sensible et drôle, Sophie est un personnage féminin réussi malgré un aspect graphique assez banal.
Hauru est un jeune sorcier peureux et craintif qui fuit son passé. Il a redoute le jour où il devra affronter ses anciens maîtres, dont la Sorcière des Landes. Doté de grands pouvoirs à cause d’un démon qui le ronge, il se préoccupe beaucoup de son apparence et n’hésite pas à se changer en rapace terrible et sombre pour faire cesser la guerre qui fait rage. Il apprendra néanmoins à mettre de côté son paraître et à s’occuper des autres avec l’arrivée dans sa vie de Sophie. C’est un garçon sensible mais peu courageux qui, de par son allure, rappelle fortement Haku du Voyage de Chihiro.
Ce petit démon de feu est doté d’une grande mauvaise foi et d’un humour extraordinaire en ce qui concerne les jeux de mots en rapport avec le feu. Il contrôle le château ambulant et ne peut le quitter sous peine de le détruire. Il est aussi lié à Hauru par un pacte. Il laisse Sophie s’installer au château pour, en échange, être délivré de ce pacte.
Ce petit garnement espiègle et malicieux se fait passer pour un adulte grâce à une cape magique, afin de vendre les potions de son maître Hauru. Il se prend très vite d’affection pour Sophie, qui remplace sa mère.
Un épouvantail coquin découvert par Sophie et qui semble lui aussi être victime d’un sort.
Cette sorcière immonde et grasse lance le sort de vieillissement à Sophie et pourchasse Hauru. Hauru, fasciné par le pouvoir de la sorcière, a voulu l’approcher. Se rendant compte qu’elle est horrible, il a fui. La sorcière tente à présent de se venger.
Techniquement, le film est remarquable. Rien du niveau des dernières productions comme Ghost in the Shell 2, mais tout s’enchaîne parfaitement et avec fluidité. Il n’y a pas beaucoup de temps morts et on ne s’ennuie jamais. Graphiquement, c’est magnifique, avec des teintes vives et un trait sublime et simple qui rappelle les dernières productions de Ghibli. Les plans fourmillent de détails, les villes sont inspirés de celles d’Alsace avec un monde typé Première guerre mondiale, et l’animation des personnages est parfaite, même si, vers le début, on constate quelques ralentissements. Les effets pyrotechniques sont légion et réussis. On a l’impression de vivre dans un rêve et d’être devant des peintures pleines de créativité et de vie. Quant aux musiques, Joe Hisaishi, toujours fidèle au poste de compositeur, a réussi à les rendre sublimes, avec des mélodies pures, oniriques et décrivant parfaitement l’esprit rafraîchissant et poétique du film. Elles savent mettre le film en relief à la perfection et rythment les événements en sublimant les émotions. Parfois, on en pleurerait presque… La chanson de fin est, par contre, quelque peu ratée. Elle ne correspond pas vraiment au film et n’a rien de remarquable.
Le Château ambulant est donc un film exceptionnel (même la VF qui n’est pas si ratée que ça), un chef-d’oeuvre de créativité et d’humour qui saura ravir petits et grands avec ses personnages époustouflants et une réalisation bien menée. Un film à voir absolument, aussi culte que Princesse Mononoke, et qui fait bien commencer l’année 2005 en ce qui concerne l’animation japonaise. On attend désormais avec impatience le DVD pour se replonger dans cette aventure incroyable qui transcende les âmes grâce à sa poésie et son histoire d’amour originale et somptueuse.
Ecrit par Daku le 26 mars 2005 | Modifié le 04 novembre 2007